Endless Boogie, c'est au départ un chouette double LP de John Lee Hooker enregistré fin 1970, à la liste de personnel imposante : Mark Naftalin, Steve Miller, Mel Brown, Cliff Coulter, ...C'est d'ailleurs le titre final de l'album, un boogie de près de 9 minutes. Epique.
Endless Boogie, c'est aussi depuis près de 10 ans, un groupe de 4 New-Yorkais au line-up relativement stable (on n'enregistre qu'un changement récent de batteur) qui ne "jamme qu'à la demande", de préférence dans des bars sans charme de Time Square, loin des clubs pour hipsters de Williamsburg. Et s'il est possible de ne faire aucun bruit pour annoncer le concert, c'est encore mieux. Comble de la posture ?
Avec les Boogies, le décor est planté : le quatuor, emmené par Jesper Eklow (The Governor) et Paul Major (Dollar Top), a du bouffer du Canned Heat et du Creedence Clearwater Revival au kilomètre. Comme Canned Heat d'ailleurs, EB compte dans ses rangs un collectionneur de disques pathologique : Dollar Top traîne la réputation d'être l'un des plus grands collectionneurs de vinyls de musique psychédélique de New-York.
L'enjeu des Boogies, c'est de faire en 2008 une musique qui opère à l'intérieur d'un cadre d'influences très référencées et appartenant a priori au passé, sans tomber dans le mimétisme stérile. Comment faire une musique actuelle qui se nourrisse de boogie, de stoner rock, de blues, de psychedelia ? Comment digérer les 1000 influences filtrées par ces connaisseurs hors pair de la musique de ces 50 dernières années et les restituer en une musique excitante et cohérente ?
Jusque 2005, seuls deux vinyls (parus la même année chez Mound Duel) sont vendus en tirage très limité : Volume 1 (dit "Black") et Volume 2 (dit "White"), qui relatent des jams des Boogies.
Précision : ces deux enregistrements rudimentaires mais officiels (construits de manière assez similaires : 3 morceaux, dont une pointe à 25 minutes), les seuls qui existent jusque 2008, sont introuvables aujourd'hui. Sauf à débourser des sommes folles sur ebay, il est donc inutile d'espérer pouvoir les entendre aujourd'hui ; la blogosphère semble elle-même bien avare pour mettre en écoute les deux Volumes. Une suggestion donc : contacter l'auteur de ce post. Ou dans l'immédiat, écouter "Dirty Angel" sur le player de
IAO - une rare occasion de se faire une idée du EB d'il y a trois ans (le morceau vient du
Volume 1 de 2005) et "Came Wide, Game Finish" (extrait du
Volume 2) ici même :
A l'été 2008, les Boogies sortent Focus Level sur No Quarter. Pour la premier fois, un album de EB (un double LP de 79 minutes) est authentiquement distribué : Focus Level se trouve et peut s'acheter ! Petit compte-rendu de Stephen Malkmus pour Crossbeat Magazine, Japon : "Best album of 2000-2010".
Rolling Stone développe :
"On their 1968 album Living the Blues, Canned Heat set some kind of jam-endurance record with the live 40 -minute track “Refried Hockey Boogie.” The New York quartet Endless Boogie go even further — 79 minutes — on their fantastic, note-perfect update of electric-blues drone and railroad rhythm, Focus Level (No Quarter). The album is divided into 10 so-to-speak songs, such as the Can-like chug “The Manly Vibe” and “Executive Focus,” a dead ringer for a 1971 Pink Fairies wig-out. But the cumulative effect of the hog -sneeze distortion, twin -guitar skirmishes and John Lee Hooker -style chooglin’ is nonstop stoner-rock delight. The vocals are cartoon-demon yowling, but the rest is as authentic as my old Groundhogs LPs."
Les inconditionnels de la première heure des Boogies ne s'émeuvent guère de la maigreur de leur discographie. Car tous ceux qui les ont vu jouer vous le diront : EB est d'abord et avant tout un groupe de scène. Et un putain de groupe de scène !!!! Demandez à Mark Ibold (ancien bassiste de Pavement et Free Kitten, aujourd'hui relève de Jim O'Rourke au sein de SY) : Mark ne jure que par EB et ne possède aucun de ces "incunables" qui font aujourd'hui le plaisir (ou le malheur) des collectionneurs.
Maigreur de leur discographie, qui contraste avec les catalogues de cassettes, cd/rs, vinyls, cds dont se prévalent aujourd'hui beaucoup de groupes gravitant autour de l'actuelle scène américaine psych rock (Comets on Fire, Sunburned Hand of The Man, Major Stars, ...). Attention : s'il serait hypocrite de taire les liens qui peuvent les rapprocher de cette scène, les Boogies ne sont décidément pas assimilables à la faune Ecstatic Peace! D'ailleurs, EB s'est plus souvent produit aux côtés des Suédois de Dungen qu'à la nébuleuse de Thurston Moore. Ce qui n'est pas totalement surprenant étant donné que Jesper Eklow est un Suédois installé à NYC dans les années 90s. C'est d'ailleurs à lui que l'on doit, via le label suédois Subliminal Sounds, le magnifique travail de mémoire opéré dès 2000 sur Träd Gräs och Stenar / International Harvester / Pärson Sound, et plus généralement la foisonnante scène psychédélique suédoise en gestation dès 1967, dans le sillage de la venue à Stockholm de Terry Riley, sur invitation de Folke Rabe.
Parole de Mark Ibold : EB, qui se prête bien plus volontiers au jeu des citations qu'à celui des reprises, a joué dernièrement "Run Run Run". C'était comme si 1967 se téléscopait dans 2008 (ou inversement), comme si la Factory, le son du Velvet renaissaient soudainement dans la salle : le temps d'un morceau EB était le Velvet.
Pour son premier concert en France, Endless Boogie jouera le vendredi 29 novembre pour l'ouverture du festival IAO. A vos calepins.
"[Endless Boogie] gloriously reimagine the Velvet Underground as a biker band." – Time Out New York
"Endless Boogie, with their maximum, powerful and ridiculous extended improvisation on Trance... is the best kept secret in this fucked and boring city. God bless them, and protect them against all odds." – Vice Magazine
"If you can hear the universe in the sound of an electric guitar and suspect the secret to life is hidden somewhere inside a shuffle, then you might consider making Endless Boogie your new masters." – Village Voice
"..like some kind of stoned Kurt Schwitters... it's pretty clear that they are one of the best and weirdest groups playing in New York right now.." – Weekly Dig.com
"This album is for everyone who's ever thought George Thorogood didn't finish the job. It gets further out as it goes on, like a long trance/raga record..." – Arthur Magazine